Elle a le sourire aux lèvres Prosèrpina, sans doute pour la première fois depuis des lustres. Un sourire grand, sincère, éphémère aussi mais qu'importe. Elle prend une profonde inspiration : ça sent la ville, la fumée des pots d'échappement, les pâtisseries en train de cuire dans une échoppe du quartier. En bref, ça sent vrai, ça sent sa ville aussi. Tout semble à la fois différent et semblable : il n'y a pas les mêmes personnes, plus les mêmes maisons, mais les ombres et pierres antiques de Florence restent ici à la regarder, comme elle le faisait lors de ce jour sacré, sa seule échappée loin de ce qu'elle s'est tant de fois dépeint comme son enfer et son paradis personnel. Mais ceux-ci ne sont désormais que poussières dans son esprit, que de vagues souvenirs qu'elle évite au profit de bien plus lumineuses pensées. Prosèrpina est ici en son temple, celui qui l'a accueilli des années auparavant en son sein, c'est là même qu'elle a rencontré le gardien celui qui a déchaîné ses pensées, prit l'apparence de héros dans son esprit troublé par les médicaments.
Cela fait quelques temps qu'elle s'est arraché à la froideur de ces lieux dont elle n'ose prononcer le nom désormais. Fuyarde, la femme cavalcade dans les rues de Florence, se retournant lorsqu'une silhouette vient s'imposer au coin de son regard. La poursuit-t-on ? Cherche-t-on à la ramener dans ces lieux où les maladies sont imaginés ? Est-t-elle persuadée. De temps en temps, elle s'engouffre inutilement dans un petit magasin, se mêle dans la foule des clients, ou va jusqu'à se faufiler en arrière boutique. Paranoïa, appellerait-t-on ce mal.
Prudence, méfiance, retoquerait la belle, les yeux plissés sur l'audacieux, ou l'audacieuse qui tenterait de la ramener à la raison, à leurs raisons. Prosèrpina a la sienne, celle qui l'amène à s'agenouiller sur les pavés des églises, celle qu'elle appelle foi. Puis, il y a l'instinct qui n'est que l'innocent guidé par celle-ci, dans son esprit.
Et en ce jour, il l'amène de nouveau là bas, vers son échappatoire autrefois rêvé et désormais réalité. De temps en temps, la visiteuse s’assoit dans la petite salle où elle avait l'habitude de s'installer, dans le but, de le voir... peut-être. Encore une fois, elle ne le croise, mais l'espoir ne meurt pas en son sein. Le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle possède toujours ces mêmes aspirations, ces passions secrètes qui fait luire son regard. Le sourire aux lèvres, elle regardes les dizaines d'yeux qui se posent sur elle, peints dans l'éternité.
Il y a de la nouveauté dans leurs postures, non ? Se demande-t-elle en penchant la tête. Désormais, la jeune femme n'a plus de temps limite, elle peut rester autant de temps qu'elle le souhaite mais ses envies l'amènent ailleurs. Après tout, elle peut aller au gré de ses envies et rien n'est plus beau que cela. Prosèrpina respire doucement avant de sortir du musée. Sa marche l'amène un peu plus loin. Soudainement elle grimpe sur un petit escalier, puis s'y assoit.
Depuis son perchoir, elle observe les environs. Voici qu'à quelques mètres il y a un autre temple, celui-ci est naturel. On peut apercevoir quelques arbres sous lesquels des couples qui se tiennent la main, partageant quelques moments tendres, ou des artistes accompagnés de leur toile. Elle relève soudainement la tête. Intéressant. Sans un bruit, la demoiselle se relève, et se dirige vers le parc. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'y rend. Prosèrpina aime y suivre les peintres qui donnent de frénétiques coups de pinceaux. De temps en temps, elle chante, et souvent elle se cache, observant les gestes précis, et les coups de crayons. Lentement, la jeune femme va se dissimuler derrière un arbre, elle épie de loin les cibles potentielles... avant de faire son choix, bien trop intriguée.