like an exposed nerve of a broken tooth (juli)

◘ Juliana, c'est des tresses vertigineuses qu'elle arbore avec fierté, symbole de son héritage afro-américain.
C'est un regard d'une insolence à vous sabrer les entrailles, et un sourire mutin qui se dessine aux coins des lèvres.
C'est l'assurance qui frôle l'arrogance. L'innocence, au service de la décadence.
◘ L’un de ses sons préférés au monde, c’est cette espèce de crépitement torturé qu’émet un disque vinyle. Sa musique, Juli, elle préfère l’écouter à l’ancienne, sur une platine. Parce qu’elle adore tout le rituel qui vient avec, l’éveil des sens tout en volupté : la pochette qu’on effleure du bout des doigts, l’odeur si particulière qui s’en dégage, le disque qu’on glisse délicatement, et le fameux craquement qui s’égrène au fil des premières notes.
◘ Juliana, elle dit toujours ce qu’elle pense. Elle ment pas, presque jamais. Elle en voit pas l’intérêt. Juliana, c’est loin d’être un modèle de vertu. Mais cette règle, c’est la seule qu’elle s’efforce d’appliquer : toujours dire la vérité. Même si ça fait mal, même si c’est dur : Juliana, elle vous crachera toujours l’amère vérité.
◘ Elle dort mal, Juli, elle dort plus. Elle a constamment des cernes qui ornent ses jolis yeux. La faute aux fantômes qui s’agitent sous ses paupières et aux voix qui caquettent dans sa tête.
◘ Petite, elle avait l’âme d’une artiste. Elle pouvait passer des heures dans sa chambre, à fixer le plafond immaculé, à fantasmer. Elle s'imaginait ballerine ou pianiste, baroudeuse insatiable d’aventures ou photographe de renommée mondiale. Petite, c'était une idéaliste.
◘ Le monde se divise en deux catégories : les réalistes, et les éternels romantiques. Juliana, c’est une réaliste. Elle a aimé, elle a été aimée. Amoureuse, elle ne l’a jamais été : elle a toujours farouchement combattu l’idée même.
◘ Juli, elle a la rage au ventre, la fureur aux tripes. Juli, c’est la caricature de l’ado enragée, perpétuellement en rogne contre tout, contre rien, contre le monde entier. Elle brûle, Juli, elle se consume. Puis les jours passent, et plus la môme se laisse bouffer par une force glorieuse, capricieuse. Primitive. Juli, elle a soif de pouvoir. Et ce truc qui la ronge, ça la rebute autant que ça la fascine.
◘ Juliana, elle carbure à l’adrénaline ; elle est ivre de liberté. Terrifiée par la mort, elle peut pas s’empêcher de la sonder. Au fond, elle est terrifiée la petite, complètement flippée ; c'est rien de plus qu'un vulgaire cliché : une môme, c'est tout, une énième gamine effrayée.
◘ ‘Les D’Ambrosio sont maudits, disait sa grand-mère, ils finissent toujours seuls. Seuls, et en sang.’ D’Ambrosio, elle l’est. Elle ne peut y échapper. D’Ambrosio, elle l’est, même si ce n’est qu’à moitié.
Maman, elle, de D’Ambrosio, elle n’en avait que le nom. Juli, c'est dans sa peau, c'est dans ses veines, dans son essence même.
C’est dans sa chair qui palpite, et son sang qui pulse. C’est gravé jusque dans dans son allure outrageusement assurée, tatoué sur sourire carnassier.
◘ Papa, c’est un monstre, un barbare assumé.
Elle les entend, Juliana, les nouvelles recrues qui murmurent sur son passage qu’il a un immense trou noir à la place du cœur. Elle les entend, et elle veut le croire.
Papa, c’est qu’une bête, avide de chair fraîche.
Oui, mais papa, il l’aime. Papa, il était là quand son cœur s’est fêlé. Papa, il était là quand son âme s’est scindée. Papa, il est là quand maman ne l’est plus.
Alors oui, papa, c’est peut-être un monstre. Mais au moins, c’est son monstre à elle.