le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie

Putain. Je me répète ce mot en boucle. Putain ! Un s.o.s. que je lance vers le ciel, vers un dieu auquel je ne crois pas. Tout autour de moi, les balles volent, les fusils jouent leur concert : un requiem. Requiem pour un petit crétin qui se voyait déjà bardé de médailles et qui se retrouve la tête la première dans un mélange de sable, de sang et de merde ; la merde et le sang de ses camarades qui se sont vidés les tripes avant que l'ennemi ne leur vide littéralement répandant leurs intestins sur le sable. L'ennemi. C'est qui l'ennemi d'ailleurs, je m'en souviens plus, je m'en souviens pas, je m'en carre, je veux partir, je veux pas crever, je devrais même pas être là. Si j'avais continué mes études d'art, si j'avais continué la philosophie, je serais assis dans un salon richement décoré par une vieille pute mal maquillée, mal baisée et mal refaite pour parler de Platon et de Sénèque et de tous les autres vieux barbus pédophiles qui habitaient les pages de mes ouvrages de référence. Putain, pourquoi je me suis engagé dans cette armée à la con qui m'envoie au casse-pipe. Ah oui pour la gloire, pour le respect, parce que mon père, un pécore qui comprend rien à rien, trouvait que la philosophie ça faisait tapette alors que l'armée, ça, au moins, ça ferait de moi un homme, un vrai. Le genre d'homme qui s'est chié dessus avant de mourir papa, ce genre d'homme. Putain. Et le pire dans tout ça, c'est que tuer ça me dérange pas, la violence ça me dérange pas, je suis coutumier de la violence. Le paternel me tapait dessus quand maman était trop amoché, les connards de l'école de mon quartier me tapait dessus parce que moi je m'intéressais pas au foot ou aux voitures, parce que moi je m'en sortais à l'école. Eh ouais ducon ! quand on passe moins de temps à s'abrutir devant onze connards qui tapent dans une balle, on peut bosser, se cultiver, on peut apprendre, on peut même trouver le temps d'aimer. Je parle pas de tremper ta bite dans la première chatte qui passe pour lui faire un gosse et te "ranger" avant de sombrer dans l'alcool. Je te parle d'aimer vraiment, profondément, physiquement et mentalement. Putain, fallait que je pense à ma femme qui m'attend au pays et qui se demande si je suis crevé ou pas en regardant les infos. Ou alors elle s'en branle et elle a refait sa vie avec le voisin plein de thunes comme la nana de Giacomo qui gît à deux pas de moi, une moitié de lui en tout cas.