ta gueule princesse

aurea a diverses cicatrices qui lui rappellent jour après jour ce qu'elle a vécu. petits ronds, symbole des brûlures de cigarette de son agresseur. estafilade blanche à côté de son oreille, provoquée par la gifle reçue qui l'a faite basculer contre le radiateur. cicatrices autour des poignets, preuve éternelle de la force des liens qui la retenaient prisonnière. elle a beau essayer d'oublier, aurea se remémore les horreurs vécues chaque fois qu'elle pose les yeux sur son corps. (▲) elle n'a recommencé à parler que très récemment. les douze années qui ont suivi son agression, aurea n'a pas prononcé un mot. pas un seul. médecins comme psychologues ont mis ça sur le compte du traumatisme et ont simplement conseillé à ses parents de lui laisser le temps. il a fallu une décennie pour qu'elle parvienne à nouveau à murmurer. à présent, elle ne parle que lorsqu'elle y trouve un réel intérêt et seulement par réponses courtes. (▲) aurea a pris l'habitude d'écrire tout ce qu'elle ressentait pour compenser son manque d'expression verbale dans un journal intime qu'elle cache. autrefois, elle se promenait aussi avec une ardoise où elle écrivait les réponses aux questions posées par ses proches. (▲) la jeune femme a également profité de cette épreuve pour apprendre à jouer des instruments de musique, autre forme d'expression rassurante. elle s'illustre ainsi dans le maniement de la guitare, du piano et du violoncelle, et fait partie de l'orchestre classique de florence avec ce dernier instrument. (▲) aurea est d'une intelligence redoutable. elle a des facilités d'apprentissage à faire pâlir de jalousie les plus arrogants des hommes. elle ne se met pourtant jamais en avant et considère la vantardise comme la preuve suprême de l'idiotie humaine. elle laisse la gloire à ses frères et se contente de la satisfaction d'un travail bien fait. elle a sa conscience pour elle. (▲) aurea rêve de l'étreinte de son père. de son amour, de sa tendresse. il n'y a personne qu'elle admire plus en ce monde, pas même sa mère qui est pourtant la seule autre femme de la famille et dont elle devrait se sentir proche. non, tout ce qu'elle veut, c'est que son père l'aime elle aussi, et pas seulement ses frères. (▲) il lui arrive de sortir avec ses quelques rares amis. amis qui, bien entendu, ont quelconque lien avec la famille verrochio. elle n'a pas assez confiance en l'être humain pour se frotter de près ou de loin aux membres d'une de ces autres familles qui règnent en maître sur la ville. elle jouit de la protection de ses amis qu'elle connait depuis une éternité et qui l'ont toujours acceptée ainsi. elle sait qu'ils sont prêts à tout pour elle, et elle le leur rend bien. (▲) dans son coeur et son corps, aurea est restée bloquée à l'état d'enfant. le psychiatre qu'elle voit deux fois par semaine n'arrive pas à la faire évoluer à ce sujet. violée à dix ans, l'enfant ne supporte pas d'être touchée, ne connait ni l'amour, ni le désir, et n'a jamais eu ni copain, ni copine, en vingt-sept ans. c'est un concept qui lui est totalement étranger. pas parce qu'elle y met de la mauvaise volonté, mais parce qu'elle n'arrive pas à ressentir quoi que ce soit. (▲) aurea a cessé d'avoir peur du sang et des morceaux de cadavre très jeune, alors que ses frères s'amusaient à lui lancer des mains, jambes, pieds ou foies inutilisables dessus au détour d'un couloir, pour l'effrayer. (▲) aurea est accro au café. elle en boit toute la journée, pour décompresser. elle prend aussi toutes sortes de pilules censées l'apaiser qui la rendent plus accro que sereine. à moins que le mélange des deux n'annule mutuellement l'effet, ce qui expliquerait qu'elle prenne toujours plus des deux. (▲) elle déteste le fait que tout le monde sache ce qui lui est arrivé. sa famille a essayé d'étouffer l'affaire, mais ce n'est pas resté méconnu des autres familles qui ont rapidement su. on la considère à présent comme la "pauvre petite chose verrochio", voire "la folle verrochio". mais aurea, malgré ses réactions exagérées et son incapacité à aimer, ses insomnies et sa paranoïa évidente, n'a rien de fou et a parfaitement les pieds sur terre.