15 ans. « Ne pleure pas, Ambra, car tu sais que la Raison t'a oublié. Elle t'a laissé entre mes mains, nous glissons tout deux dans le plus sombre des chaos. Il y fait bon, petite sœur, il y fait doux.
Comme tu grandis. Nous sommes seuls à présent, Maman la pauvresse te délaisse pour vendre le dessous de ses jupes, Papa se réjouis d'autres cœurs et d'autres lits, loin, loin de notre lumière.
A-t-il peur de nous, ma sœur ? A-t-il peur tout autant que moi de te voir devenir plus belle chaque jour, a-t-il lui envie de frémir sous tes courbes qui se dessinent en silence ? J'aime cette sensation, Ambra. Quand je frôle ton bras, ton souffle, ton âme. Quand je te possède dans le pire des secrets, quand je t'aime et te chérie plus que n'importe qui.
Car tu auras beau me mépriser, me haïr plus que tu ne le fais déjà, sache que tout ça ne veut rien. Parce que moi, je décide. Et je t'aime. Et où que tu ailles, je te retrouverai.
Je t'imagines courir si vite, avec toute l'énergie de ton désespoir. J'aurais voulu voir l'expression brisée sur ton si beau visage de poupée. Je l'aurai cassé avec un plaisir incroyable.
Ton ventre est lourd de nos crimes, petite sœur. Il est lourd du pêché que tu as tant aimé, lourd de nos jeux interdits.
Lourd de ta douleur et de mon rire.
Je viendrais te retrouver, ma moitié. Ce n'est qu'une question de temps.
En attendant... Puisses-tu trouver un beau toit pour notre enfant.
Fratello. »
25 ans« Ne râle pas, Ambra, car tu sais que tu ne peux rien. Je t'ai donné cette vie lorsque tu en avais besoin, et je crois que tu me le rends plutôt bien !
Ne fais pas cette tête, et tiens-toi droite ! Je sais que tu es avachie, comme d'habitude... Tu jettes encore des avions en papier par la fenêtre ? Tu as du temps à perdre, dis-moi. Mais bon, je suppose que ça fait parti de ton charme...
As-tu aiguisé ton couteau comme je te l'ai demandé ? La dernière fois j'ai trouvé ta lame bien émoussée. La mission a duré bien plus longtemps que prévu juste parce que Madâââââme avait du mal pour trancher la carotide de notre cible. Il va falloir être un peu plus sérieuse mademoiselle aux jolis yeux !
Bref. Viens au bureau pour six heures, tu trouveras ta robe pour ce soir, et l'adresse du restaurant ainsi que quelques renseignements sur la victime. Rien de bien compliqué en soi, même pour une lame abîmée. Et je parle pas de toi mais bien ton arme joli cœur, me prend pas en grippe.
Tu vas bien sinon, en ce moment ?
J'ai l'impression que ça te lasse, tout ça.
Mais tiens bon, ok ? Tu es l'une des meilleures, j'ai jamais vu une gamine apprendre si vite à manier la Mort que toi. Y'a pas deux tueurs à gage comme toi, et j'en ai vu des malingres tomber plus vite que leur ombre. C'est un dur métier, tu sais ? En réalité... t'es ma préférée. Mais chut, hein. J'voudrais pas qu'ça s'sache.
Bref allez, tu vas m'faire chialer et j'déteste souiller le papier à lettre ?
Six heures,
capice ?
A plus, ma poule aux oeufs d'or.
Rossa. »
30 ans.« Ne me quitte pas, Ambra, car les affaires tomberont.
Où est-ce que tu es passée, encore ?
Rentre.
S'il te plaît.
Bordel. Si jamais tu as décidée de partir... fais en sorte que je ne crois plus ta route.
Ou bien celle de mon lit.
Rossa, alias la Daronne qui te paye pour zigouiller, juste au cas où tu l'aurais oublié. »
32 ans.« Ne désespérez pas, Ambra, car la vie continue. Cette rue n'est pas faite pour vous. Pas plus que le monde des fortunes abattues sur les flaque de luxure. Tenez, prenez mon parapluie, et suivez-moi.
Cesare. »
35 ans.« Ne pleure pas, Ambra.
Ne crie pas, Ambra.
Ne me quitte pas, Ambra.
C'est moi qui part sous les balles d'un autre.
Au revoir,
Madre. Je t'ai aimée, le temps d'un an.
Tu te souviens du serment ? Phare des sens, du commun, de l'Instant. Illumine ce monde qui t'a frappé tant de fois.
Chiara, conditionnée n°48 »
•••
Sous ses doigts s'esquissent les mots des disparus, et des souvenirs marqués au fer rouge. L'encre glisse dans sa mémoire.
Elle hurlera pour tout ceux qui l'ont tue. Elle priera pour les défunts. Et, à l'aube des lendemains où pullulent les promesses,
Ambra, finalement,
sourira.