(rossana) medicine

01. le ressac de la fumée qui s'enroule, qui tricote dans les poumons, ça a été son quotidien, si bien qu'elle en oubliait le goût de l'oxygène, la douceur de ses propres lèvres, tout n'était que ce bâton fiché entre ses dents, tout le temps. si le mouvement en chaîne, du paquet à la gueule, a fini par ralentir, les clopes habitent encore ses poches. 02. florence, c'est l'étrangère, rossana elle n'y avait jamais mis les pieds avant. florence c'est le géant, le monstre, cette ombre derrière laquelle elle a grandit dans son village. florence c'est l'enfer, les noms de rues qui suintent la peur, les pavés qui empestent les cauchemars, mais rossana elle ne connaît pas le frisson. 03. adolescence rythmée par la maladie, vingtième anniversaire sonnant la mort; rossana était prête quand la génitrice est partie avec un râle, mais pas le frangin. les sentiments qui manquaient avec la mère, rossana les a pour le frère, mais c'est constipé, dissimulé, menti, et quand c'était son tour à lui de décider de sa vie il a décampé, et rossana elle a rien dit, rien essayé, entre eux c'était au revoir. 04. flic sans conviction, rossana c'est loin d'être un modèle, c'est à peine une esquisse, une caricature brouillée des chiens aveuglés par la loi et la matraque. c'est pas qu'elle est du genre corrompu, à la base, mais rossana c'est pas non plus une rêveuse perdue, si elle essaie de faire le mieux, les illusions étouffantes, c'est pas sa drogue. florence, c'est quand même autre chose, après des années de police de province, c'est le contraste, à florence les crimes pleuvent et les gendarmes sont aveugles. 05. la noirceur s'enroule, fige les aiguilles des horloges, dans l'inconnu difficile de se rappeler le temps qui passe. rossana elle en oublie combien de temps elle a attendu sans idée, sans intention de retrouver l'autre, le jeunot, mais ça fait un an qu'elle s'est plongée dans l'eau bouillante, un an qu'elle l'a retrouvé à florence, danger aux quatre coins de la carte, danger pour les forces de l'ordre, naïves. mais rossana elle a la flamme dans les yeux pour y repousser les engelures, la motivation c'est toutes ces secondes disparues, c'est ce regard transformé par les rêves erronés qu'elle ne reconnaît plus. 06. le mensonge, c'est son amant, rossana maintenant elle fabule, elle brode, elle trompe, comme on use d'un talent inné. personne ne sait l'histoire au complet, dans une ville pareille, tout le monde cache quelque chose, qu'elle se dit. le dossier policier contre les caravaggio, c'était une coïncidence, c'était la meilleure opportunité. le frangin dans leurs rangs, c'est l'excuse pour son coup de main, mais c'est aussi la raison. si les caravaggio tombent, sa famille se redresse de ses cendres. le clan, elle en a rien à faire, son regard il est fixé au but. 07. c'est facile, tromper les caravaggio, c'est facile, pour rossana, de prétendre qu'elle ferait tout pour quelques mètres plus près du but. c'est facile de compromettre, de faire le pantin, de fermer les yeux sur les marchandises, de donner des pistes. c'est moins facile d'amasser des informations, de trouver les secrets pour percer l'armure, mais avec selene, rossana elle entraperçoit les moyens, et l'espoir de voir les caravaggio s'envoler en poussière pour extirper le frangin des cendres naît. 08. rossana, elle ment, mais ses paroles dessinent jamais un trait direct de sa bouche à l'oreille de l'autre, ses mots c'est le contraire de direct. rossana c'est pas une fille malhonnête de nature, mais on peut pas dire qu'elle est franche, quand elle a perfectionné l'art de tisser les phrases, de laisser sa voix emprunter le chemin le plus long, le plus discret, le plus doux aussi. quand elle parle, tout est séduction, conviction, mais aussi prudence, elle se protège avant tout, et puis y'a encore le mythe. si vous voulez une réponse simple, brève, droit au but, posez vos questions à quelqu'un d'autre. 09. des corps qui s'entrechoquent, des mains qui s'enlisent dans des vagues de plaisir, elle connaît bien les soupirs qui appellent désespérément au creux du jour, au summum de la nuit. les fréquentations qui durent, c'est plus difficile, la romance, ça remonte à loin, c'est un souvenir qu'elle a préféré oublier. pourtant, c'est plus difficile d'arrêter les sentiments que de stopper les pensées. 10. rossana c'est une force de la nature, c'est un mental incassable. la détermination qui bouillonne dans les artères, elle fonce, elle file, c'est vers le mille, nulle part ailleurs, et parfois c'est la vertu qui y paye, des fois c'est des choix dérangeants et des gestes de regret, mais elle oublie, elle pardonne, c'est des œillères qu'elle porte et qui effacent tout. 11. rossana elle admire de loin, depuis toujours, sans un mot et aucun prétexte. rossana elle caresse, du regard, timidement, sans trop savoir, mais le coeur qui gonfle. c'est le ciel, la nuit, là, tout là-haut, ces étoiles qui scintillent, se cachent et se révèlent aux regards insistants. elle y connaît rien, aux constellations, aux planètes, à ces atlas célestes, mais c'est beau, jusqu'au bout de ses nerfs c'est la cartographie qui fascine, qui éblouit, c'est la vénération en secret.