Ain't no sunshine

Bébé médicament.

Vendue. Voilà comment j'étais. Mes parents? Je ne les ai pas connus. A ma naissance, je suis passée des bras du médecin à ceux de mes parents adoptifs. Je n'étais là que pour réparer un autre bébé, un bébé endommagé, un bébé dont j'e serais la salvation. On m'a bien traitée, on m'a presque aimée. Mais je n'étais pas là pour ça. Mon grand frère et ma grande soeur adoptifs étaient bons avec moi, ils m'aimaient comme si j'avais été de leur sang. Ceci dit, mes parents, eux... je voyais bien qu'ils mettaient de la distance entre eux et moi. Je n'avais jamais compris pourquoi j'étais celle qu'ils aimaient le moins, je ne pouvais savoir. Jusqu'au moment où on m'a entraînée jusqu'à une table d'opération, qu'on m'a endormie et que je me suis réveillée avec un rein en moins. Ma grande soeur allait soudainement mieux. Après trois semaines en hôpital clandestin, elle et moi sortions. C'est Vincenzo qui m'a tout expliqué. J'avais été adoptée pour elle et uniquement pour elle. Pour lui sauver la vie. Mes parents avaient payé un rein à mes parents adoptifs pour m'avoir. Mais je valais plus que ça, j'avais bien plus qu'un rein en moi et à l'âge de 15 ans j'ai fini par comprendre qu'un jour, les gens qui m'avaient commercialisée viendraient réclamer le reste de mon corps. J'étais terrorisée. Mais le temps passait et ma famille a commencé à m'aimer réellement, à s'attacher à la petite Diana malgré ce qu'elle était. C'était plus fort qu'eux. Et quand on venait leur demander comment je me portais, ils faisaient tout pour écarter les vautours qui rôdaient et attendaient de trouver un demandeur compatible avec mes organes. Puis leur est venue l'idée. Pour me sauver, il fallait me trouver une autre utilité. Il fallait me trouver un rôle dans ce marché de sang et d'organes, quelque chose qui me rende plus valeureuse en vie qu'en morceaux. Et on projeta de faire de moi une poule pondeuse. Je n'en savais rien, j'étais trop jeune pour comprendre lorsqu'on m'a demandé de me trouver un amant. Maman me disait que pour mon bien il me fallait un enfant. J'étais loin de savoir. Je sentais que quelque chose n'était pas clair mais je ne savais pas qu'on voulait faire de moi ce que l'on avait fait de ma mère biologique. Combien de frères et soeurs avais-je dans la nature? Combien étaient encore en vie? Je n'en sais rien. Et ne le saurai probablement jamais car tout cela est secret. Mais pour me sauver, mes parents adoptifs voulaient faire de moi une machine à procréer. Une machine que l'on délesterait de ses enfants à la naissance. Je m'exécutais contre mon gré et laissait des hommes tenter de me fertiliser, inconsciente de ce que l'on cherchait à me faire faire. Mais c'était difficile et je rentrais chez moi en pleurs à chaque fois. J'avais 17 ans, j'étais jeune et j'avais perdu ma virginité avec un boulanger nommé Rosario. Il était beau garçon mais je ne l'aimais pas et lui ne m'aimait pas.

Pacte Fraternel.

Je racontais ma peine à mon frère. Vincenzo était le seul à être honnête avec moi. Et pourtant je sentais que maintenant, il me cachait lui aussi des choses. Qu'est-ce qui pouvait être aussi grave que je devais absolument enfanter? Je lui expliquai comme j'avais horreur de passer dans le lit d'hommes divers afin de m'acquitter de ce devoir ingrat. Et je lus dans son regard une douleur intense. Comment aurais-je pu comprendre à quel point il m'aimait? J'aurais dû m'en douter, mais j'étais jeune et innocente encore. "Je voudrais que ce soit quelqu'un de plus doux Vince, quelqu'un qui comprenne que je ne suis pas un objet mais qui ne me force pas à prétendre que je prends du plaisir à écarter mes jambes." Ses yeux étaient lourds de tristesse. "Je comprends. Je ne peux pas te toucher car tu es ma soeur et que les conséquences seraient laides si..." Mon visage s'illumina. Proposait-il enfin une solution? Jamais l'idée ne m'avait traversé l'esprit. "Pourquoi pas!" m'écriai-je avec emphase. Choqué, il me répondit "Diana... Nous sommes frères et soeurs, il y a des règles morales et surtout physiques qui nous empêchent de..." Il comprit alors pourquoi j'étais enthousiaste. Il n'était pas mon frère. Il n'y avait aucun risque génétique. Personne ne le saurait. Ce serait notre secret. Au lieu de m'affairer avec des inconnus, ce serait lui qui prendrait soin de moi. Gentiment et avec patience. Parce qu'il m'aimait. Et je profitais de la situation. Je n'en étais pas vraiment consciente mais j'en profitais. Seulement je ne savais pas que j'étais en train de creuser ma tombe. Car mon corps se refusait à coopérer et je restais un terrain infertile, incapable de donner vie. Puis ce qui devait arriver arriva: notre mère nous découvrit. Je ne le sus que par après mais elle interdit formellement à Vincenzo de me toucher à nouveau. Fallait-il qu'il soit fou pour essayer de m'aider de la sorte. N'avait-il pas pensé au fait qu'une fois que je serais enceinte, le fruit de mes entrailles serait un produit de vente? N'avait-il pas anticipé qu'il devrait vendre son propre enfant pour me sauver moi? Non. Et moi j'étais à des lieues de savoir quel sort l'on réservait à celui ou celle que je mettrais au monde. Et dans l'ignorance, je continuais à essayer mais sans résultat. Si bien que les plans me concernant durent être changés. Je ne sais si c'est parce que la mama craignait que Vincenzo ne s'adonne aux plaisirs de la chair avec moi à nouveau ou si c'était parce que l'on réclamait paiement pour ma personne. Ils n'avaient acquitté qu'un rein et pourtant j'étais toujours sous leur toit. Ils ne pouvaient se permettre de payer toute ma personne et contractuellement, j'appartenais toujours au Verrochio pour tout le reste de ma personne.

Cœur à donner.

On parla de vendre d'autres organes. Mais pour retarder l'échéance, à chaque fois mes parents adoptifs trouvaient des excuses. Soit que je n'allais pas bien et que l'organe en question risquait d'être contaminé. Soit que l'on pourrait trouver un acheteur plus généreux. La dernière invention fut de me garder pour offrir des organes de prix que l'on ne trouve que rarement: des organes qui une fois ôtés m'enlèveraient à cette vie. C'était mon destin. J'avais 23 ans et j'étais promise à une mort certaine. On me trouva un acheteur. J'étais alors chanteuse depuis trois mois au restaurant La Marquise. On avait vendu ma voix et je l'offrais aux clients tandis qu'un pianiste m'accompagnait avec tendresse. Je travaillais sagement sans savoir que certains des gens qui venaient dîner étaient là pour jauger la marchandise que j'étais. Ma peau était elle aussi à vendre, une fois morte tout pouvait être acheté. Tout. Cette pensée m'horripile encore aujourd'hui. Comme j'étais naïve, souriant à tous, pensant que l'on admirait mon talent. Je me souviens encore de lui, cet inconnu assis à la table du centre. C'était devenu un client régulier et pendant deux semaines, il était venu soir après soir. Je pensais que j'étais face à mon premier vrai flirt, que j'allais enfin être courtisée. Mais ce n'était pas ça. C'était le chirurgien qui était chargé de mon cas. Il devait m'évaluer à distance pour ne pas m'effrayer, se faire une opinion sur moi, gagner ma confiance et quand le moment serait arrivé m'endormir pour que plus jamais je ne m'éveille. Pourquoi tant de précautions? Parce que les Verrochio aiment le travail bien fait. Et pour qu'un transplant se passe bien, il vaut mieux que le donneur ne soit pas stressé. Toute ma jeunesse, toute mon enfance j'avais été traitée parfaitement bien. On ne joue pas avec le matériel génétique, on l'entretient. Et lui, il était là pour s'assurer que j'étais traitée correctement et que j'arriverais en un morceau sur la table d'opération. En bonne santé et de pleine grâce. On avait vendu mon coeur. Et pour aller me l'enlever de la poitrine, ils n'avaient trouvé rien de plus subtil que de jouer avec une dernière fois avant de m'ôter la vie. Parce que ce chirurgien, parce que Tristane était le Don Juan dont mon coeur s'éprit avec folie. Sous son charme, je ne voyais aucunement vers quelle fin atroce je me dirigeais. Me courtisant poliment, il me sortait et sans vraiment le vouloir m'aidait à profiter de mes derniers instants. Deux mois, c'est tout ce qu'il lui fallut pour faire de moi une jeune femme comblée. Deux mois c'est tout ce qu'il me fallut pour changer la donne. Parce que le fou tomba amoureux de moi. Il ne s'en serait probablement pas rendu compte, il y aurait résisté certainement car sa fidélité à son clan était inébranlable mais... j'étais enceinte. C'était un miracle. Tristane était mon bourreau et mon salvateur. Lorsqu'il comprit que je portais dans mes pans le fruit de notre amour interdit, lorsqu'il comprit qu'il s'était pris les pieds dans son propre jeu, il fit quelque chose qu'il n'était pas autorisé à faire. Il chercha un acheteur pour notre bébé. Il en trouva un et plaida pour que l'on me m'épargne et racheta ma liberté en vendant mon enfant. Je n'ai compris tout cela qu'au moment où l'on m'a pris ma fille des bras. Tristane me l'a laissée une heure, une heure de quiétude où je pensais être une mère heureuse. Et ensuite mon monde s'est effondré et je me suis réveillée. J'ai mis les pièces ensemble et le puzzle que j'ai découvert m'a horrifiée. L'amour que je ressentais s'est écrasé. Trahie, baffouée et sans la moindre idée d'où se trouvait mon enfant... je suis partie. Libre mais tellement tellement déboussolée. Ma confiance s'est envolée et la femme que j'étais, la naïve a disparu. La gentille s'est transformée en froide et insensible garce qu'aucun homme ne peut approcher.