La naissance de vénus

Nombreux sont les soirs où l’air s’engouffre par les fenêtres de ton atelier et vient faire danser les quelques mèches de cheveux que tu n’as su attacher. Tu aimes ces douces soirées où il n’y que toi et le parfum délicat du chèvrefeuille qui grimpe depuis la court intérieure. Loin d’Emile, loin de cet appartement, ce royaume où trônent les photos d’un mariage où ton sourire n’était qu’à moitié vrai. Une cage dorée dans laquelle tu t’es toi même enfermée. Pauvre saute. Comment veux-tu être heureuse si tu te refuses le droit d’aimer? Je ne pense pas que tu connaisses la réponse à cette question, ou peut-être t’effraie-t-elle? 
Tu affrontes ton propre regard dans le miroir, et tu te demandes si c’est bien toi. Cette femme aux regard souligné d’un bleu profond et aux lèvres d’un carmin qui détonne avec le marbre de sa peau. Tu soupires, profitant de tes derniers instant dans le calme d’une soirée printanière à Florence. Après t’être assurée que tu étais présentable et que toutes les oeuvres, bouteilles et amuses bouches étaient en place, tu accueilles tes premiers invités. Tu as l’habitude d’apparaître en société, ce n’est pas la première fois. Tu aimes, parler avec de grands mots, et jouer les diplomates. Tu aimes, aussi, être reconnue et distinguée pour ce que tu fais. Il t’arrive durant ces vernissages de monter des projets, de noter commande pour des oeuvres appréciés des grands hommes qui sont chez toi pour prouver qu’ils n’aiment pas seulement la violence et la haine, mais qu’ils sont digne de l’héritage Italien. Tu passes de groupe en groupe, de conversation en conversation, d’oeuvre en oeuvre, d’univers en univers. Et pourtant Alceste, tu t’ennuies.
Une coupe de champagne à la main, tu te retires de l’effervescence de la galerie. Le temps de t’allumer une fine cigarette. Et c’est à ce moment précis, qu’au milieu des rires forcés et d’une balade de Muzio Clementi tu l’entends. Cette voix, que tu as quelques fois cru déceler au creux d’un murmure qui t’était susurré par le vent. Tes yeux se pose alors sur ces deux hommes, près de la fenêtre, semblants vouloir passer au travers du regard des autres. L’une des deux silhouettes te semble étrangement familière, et plus, tu l’observe, recrachant de temps à autres la fumée absorbé par tes poumons, plus ton corps se raidit. Ce n’est pas le vent que tu as entendu cette fois-ci, il semblerait que ton esprit ne t’ait pas joué un tour. Pourtant, il a tant changé, à un tel point que tu te demandes ce qui a bien pu lui arrivé. Tu ne pensais pas le revoir un jour, même si peut-être au fond de toi, tu l’as déjà espéré. En une gorgée tu termines ta coupe de champagne, et tu t’engouffres de nouveau dans cette salle remplie par tes soins. Tu t’attardes pourtant lorsque que tu arrives à son niveau, et tu parviens à reconnaître l’odeur de son parfum. Et là Alceste, tu t’en vas à la dérive sur la rivière des souvenirs. Et moi, courant sur la rive, je te crie de revenir.