Vincente » O, full of scorpions is my mind.

(1) Les prunelles hagardes dardent en tout sens, la langue vipérine humecte constamment la lippe goguenarde, les mains sales massent les vertèbres tassées par le poids du spectre, les épaules nouées roulent dans un malaise sempiternel. Le bougre est perpétuellement en train de gesticuler, est criblé de tics. Le psyché écartelé qui s'exprime au travers du somatique, probablement. Il a l'air d'un foutu tox en sevrage et putain que ça inspire pas confiance. (2) Vincente brûle une large portion de son temps libre à lire des ouvrages multiples; ses sujets de prédilection sont l'art et l'Histoire. Originellement, cette érudition était mue par une véritable soif d'apprendre, un désir d'engranger des savoirs afin de s'élever. Aujourd'hui, sa lecture compulsive naît uniquement du besoin de meubler son temps, d'éluder l'oisiveté car c'est en ces moments creux et de silence que son coeur hurle et réclame vengeance. (3) Il possède une muscle car, modèle Shelby GT 500, de 67. La prunelle de ses yeux, son joyau, qu'il choie avec un zèle presque obscène. (4) Son derme se grime d'une kyrielle tatouages, qu'il ajoute selon ses lubies du moment. Jamais longuement mûries, les diverses et variées inscriptions sont toujours gravées dans l'empressement du moment. Le plus lourd de signification, le prénom de sa défunte soeur, ornant son poignet. Des jours qu'il n'a plus eu les tripes de lorgner son garde-fou. (5) Hector et Hannibal, ses deux dobbermans, cerbères arpentant son domaine, gardant ironiquement les portes du jardin des délices. /6) C'est son courroux qui l'a plongé dans cet océan de stupre, son besoin impérieux de voir les têtes des géôliers de sa douce Pia montées sur une pique, honnis et brisés. C'est son incoercible cupidité qui l'a naufragé, son appétit pour l'opulence et le pouvoir qui le maintient sous la surface. Il s'est égaré dans cette inextricable forêt, où la nuit est éternelle. De cette couardise et cette vanité, il conçoit une culpabilité furieuse qui le bâfre de l'intérieur, qui fracasse son psyché. (7) Il est ambivalent. Il veut être aimé, le pauvre diable. Il veut l'estime de ses pairs, il veut la tendresse des catins, il veut être révéré de tous. Il veut la chaleur humaine dont il est depuis trop longtemps sevré mais, au fond, il ne sait pas vraiment comment faire. Gosse paumé, révulsé de lui-même, il projette sur les autres sa culpabilité et le dégoût qu'il s'inspire. Au fond, comment pourrait-il être digne d'égards, alors qu'il est si exécrable et vil et hypocrite ? Alors, il se montre infâme, dégueule son fiel, écarte, regrette puis poursuit avec frénésie, dans une valse incessante où chaque pas le met au supplice. (8) Plus que jamais sur le qui-vive, à fleur de peau, Vincente fait montre d'une suprême intolérance vis-à-vis des frustrations. Il est dans le moment présent, le scélérat, il lui faut tout à l'instant, ses yeux céruléens n'aperçoivent que le maintenant, l'exaucement de ses désirs se doit être immédiat. Parallèlement, la moindre provocation, la moindre étincelle, boute le feu au brasier et son ire se déchaîne sans modération aucune. (9) Sa paranoïa et son souhait de plaire s'allient et les mensonges coulent de sa gueule en un flot intarissable. Il doit assurer ses arrières, dissimuler les remugles de félonie qui poissent ses loques. Il doit plaire, modeler la vérité à dessein, l'amplifier afin de se rendre attrayant. Vincente se forge une myriade de masques, qu'il chausse les uns après les autres, dans un balai incessant, jusqu'à l'étourdissement, jusqu'à se tromper lui-même, jusqu'à oublier les dessin de son véritable faciès. (10) Fâcheuse habitude qu'il a développé, Vincente réduit ses démons au silence en les noyant dans de copieuses volumes d'alcool.