tendresse année zéro

un - il fume toujours une ou deux cigarettes par jour, jamais plus, quand il fait ses petites promenades dans la ville, toujours les mêmes promenades, dans les mêmes quartiers, par les mêmes rues, ça lui fait des petites habitudes faciles à suivre et saines, ça rythme les journées vides et les journées pleines, comme un flux continu, la routine sympathique des gens qui en ont les moyens, un luxe qu'il s'invente, alors que doucement il fait fortune. deux - il porte toujours au poignet gauche la chaîne d'argent, la première chaîne d'argent qu'il a forgé de ses mains et qui ne risquait pas de se démanteler toute seule, elle a plus de quinze ans, peut-être, mais c'est sa petite fierté, son talent insoupçonné avec ses mains trop grandes, ses doigts trop lourds, pas du tout fait pour ce travail paraît-il, mais il le fait quand même. trois - il ne parle jamais de ses années loin de florence, pour de curieuses raisons, parce qu'il n'avait pas gardé contact avec ses anciens amis, parce qu'il n'a pas gardé contact avec les nouveaux amis, parce que la vie ici ressemble à sa vie avant le voyage, parce qu'il a beaucoup voyagé en Europe, puis aux Etats-Unis, que ça paraît alors flou, qu'il n'y a rien à dire. quatre - on ne connaît pas ses conquêtes, il ne les rend pas public, ils sont peu nombreux, déjà, et il n'en tire aucune fierté, il s'en fout de ce qu'on pourrait en dire, c'est juste des petites histoires, il n'en parle même pas avec ses amis, ou alors avec un petit sourire en coin, comme si c'était une fantaisie, une histoire drôle, la vraie histoire il sait avec qui elle se passe, personne n'a besoin de savoir cinq - il y a encore quelques mois, il vivait toujours avec ses grand-parents, mais il a remédié à cela récemment et le voilà dans un appartement moderne et impersonnel, où il vit salement, sans aucun équilibre, à manger à des heures impossibles, à ne jamais faire son lit, ce n'est pas le dépotoir, mais ça le fait rire de vivre dans le désordre. six - il éprouve toujours un petit plaisir en voyant dans les beaux banquets les femmes aux jolies formes porter ses bijoux, ça brille et c'est de lui, mais il a toujours plus de plaisir à forger des bijoux pour ses amis, des bijoux qu'il espère être toujours exceptionnels et très personnels, il fait partie de ses amis aux petites attentions, sans mot et sans merci, l'inattendu. sept - le clan, ce n'est pas forcément sa priorité numéro un, ce n'est peut-être pas très intelligent d'être aussi nonchalant avec cette histoire, mais il s'en fout, il n'a pas eu de problème jusqu'ici à cause de ça, tant pis si un jour ça lui tombe sur la gueule, il fera mieux alors, il parviendra bien à se faire pardonner, et il ne dira rien des heures parfois à fumer beaucoup plus à se demander si c'était une bonne idée de le rencontrer celui-là, parce que ça lui donne des sueurs froides. huit - bizarrement il s'aperçoit qu'il devient un loup solitaire avec le temps, qu'il accepte de moins en moins la médiocrité des autres, qu'il a envie d'honnêteté, de simplicité, de vivre au grand jour les choses qu'il a envie de vivre, qu'il s'en fout de tout, qu'on est mieux seul qu'avec des cons, qu'on a besoin de peu, des grandes idées de pureté et de simplicité qui lui donnent des maux de tête neuf - il s'achèterait bien un chat. dix - revenir à florence c'était retrouvé ses grand-parents, le clan, et enzo.